De retour de Vinisud


J’aime bien cette vieille histoire, de l’époque du petit rapporteur :

 » t »as l’air crevé, dis donc ! »

 » ne m’en parle pas, je suis allé à la pêche aux moules, je suis moulu… »

 » heureusement que tu n’es pas allé à la pêche aux coques… »

Des blagues de mômes, qui, avec la fatigue et la tension, me font toujours autant sourire, à plus de cinquante ans… Garder une âme d’enfant, voilà qui est important quand on fait du vin… Mais bon, je suis rentré épuisé, vidé, un peu grippé, sans doute, après avoir donné beaucoup de moi en trois jours.

Un bon Vinisud ? Oui, je crois. Un bon groupe, une déco minimale, pour trois francs six sous, pourtant toujours aussi efficace et qui montre qu’on se donne un peu de mal pour bien recevoir. Les terres de toutes nos parcelles, au mur, qui prennent toujours aussi bien la lumière… Des bons verres (au point qu’on m’en a volé trois, donc…). Des vins à température. Une disponibilité qui semble en étonner certains, bien que je me demande bien pourquoi un vigneron, quel que soit sa renommée, ne serait pas content de faire goûter ce qu’il fait. D’ailleurs, s’il y avait un doute, il avait en face de nous le stand Guigal avec Monsieur et Madame, fidèles au poste, pour faire l’ouverture et la fermeture avec nous. Un exemple. Un modèle. Et nous, en face, des nains. Je vous assure, quand Marcel et Philippe viennent goûter chez vous, vous n’en menez pas large, hein. S’il y a un jour un « the Voice » du vin, Marcel ferait un sacré bon jury, avec son air « poker face » qui peut s’éclairer tout d’un coup d’une immense et généreux sourire. J’espère qu’il ma dit la vérité sur la qualité acceptable de mes vins, en tout cas. Non, je suis SUR qu’il m’a dit la vérité, c’est meilleur pour mon moral ;-).

Un bon Vinisud, donc, avec un bon groupe de vignerons du Roussillon, avec des clients, actuels ou futurs, des amis de trente ans, qui passent et avec qui on refait le monde (« rends toi, compte, Hervé, 25 ans qu’on se connait et qu’on bosse dans le vin, et ON NE S’ENNUIE TOUJOURS PAS !’ (merci K. ;-), de nouveaux amis qui montrent que les temps changent : « désolé, votre visage ne me dit rien. Mais vous me souriez comme si… On se connait ? » « Euh, oui, je suis votre ami sur Facebook, j’adore vos vins ». Je l’avoue, j’étais réticent au phénomène Facebook mais, après quelques mois, j’y ai de drôles de rapports avec de drôles de gens (drôle ca veut dire « inhabituels pour des gens de mon âge 😉 et j’aime assez ça car j’y vois, clairement, un type de relation positive même s’il m’est encore étranger. Mais je me rends compte d’une chose : un ami sur FB, ce n’est pas toujours « rien », loin de là…

Trois millésimes se carambolent un peu sur le stand et 2011 marque, je pense, les esprits de tous ceux qui l’ont goûté. Quand je vous dis que c’est un millésime qui sort de l’ordinaire… Dès le premier Vinisud, inconnu, dans un coin, coincé dans 6 M2, nous avions je pense un peu montré le « wine of the show » comme aiment dire les anglo-saxons. Aujourd’hui, ce serait plus difficile, bien sûr, et je compatis avec tous ces vignerons débutants pour qui les temps sont bien plus durs. Un nouvel ami américain me dit cette fois que nous faisons des « wines of the time »… Des vins dans l’air du temps ? La réflexion fait son chemin en moi pendant tout le salon. Au restaurant, le concept me rattrape devant un des vins du Languedoc des mieux notés par Bob, célèbre et pourtant terriblement « daté », comme peut l’être un film des années 80 où l’on voit des vêtements, des musiques, des voitures qui nous semblent étrangers alors qu’on les a tant aimés (et portés…). L’envie n’est plus là, il nous faut autre chose, même si je ne renie rien de mon passé d’amateur : j’ai beaucoup aimé ces vins…

Les vignerons changent, les consommateurs changent, alors, les vins changent, bien sûr. Plus que jamais, le fruit me semble être au cœur de la problématique du moment, la sur-concentration et le sur-boisé des années 90 me faisant l’effet d’une BMW des années 80 : plus de désir (comment a t’on pu trouver ces voitures furieusement modernes ?), mais un sentiment nostalgique et tolérant, de celui que l’on a pour les choses et les gens qu’on a beaucoup désirés mais qui font partir du passé…

Ce Vinisud m’aura fait l’effet d’un mini-tsunami, qui m’emporte et me dépose, au retour, épuisé sur une plage où se termine donc une vilaine grippe qui flambe à cause de la fatigue. Mais je l’ai déjà dit, non ? Un jour entier, presque, à dormir et à trainer, comme une larve (un mollusque ?) il n’y avait rien de glorieux en moi au retour de ce Vinisud, mon 8ème…

Ce blog n’existait pas, alors, le concept de blog non plus, d’ailleurs ;-), alors, radotant un peu, je vous le raconte… Sur un micro stand syndical, nous ne pensions avoir que très peu de monde et n’avions donc apporté que peu d’échantillons, je crois neuf demies-bouteilles. Au deuxième jour, nous redemandions aux dégustateurs de remettre le reste du vin goûté dans la bouteille, un peu comme on le fait dans un reste de vin qu’on remet dans un fût, lorsqu’on goûte au domaine. Certains nous regardaient avec des yeux hallucinés… Mais le bouche à oreille a fonctionné à fond, et, chaque caviste ou restaurateur qui avait été scié par la différence entre nos vins et les autres, nous envoyaient du monde, sans que nous comprenions, vraiment, à l’époque, pourquoi. Du coup, le deuxième jour, nous n’avons pas désempli, au point que nous avions terminé le salon sans vins à faire goûter…

Le vin, toujours le vin, rien que le vin… Voilà ce que je dis toujours à ceux qui nous croient « meilleurs marchands » ou « grands communicants ». Ce n’est que la qualité du vin, son originalité, son âme qui font toujours la différence, sur Vinisud ou ailleurs.

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