Balthus fait le Buzz – MAJ


Sur son blog, François Mauss est très fier de sa dégustation comparative entre un Bordeaux Supérieur, excellent d’ailleurs, soit dit au passage, et des crus légendaires,au point qu’il en fait trois billets… Nicolas de Rouyn y était, ça lui fait un bon papier. Je n’étais pas invité. Je n’y serai de toute façon pas allé. Je regrette un peu la tourte au gibier, un plat parfait pour un repas de fin d’année entre employés méritants qui ont bien travaillé, c’est à dire fait tout ce qu’on leur demandait…

J’aurais bien mis ce que je pensais de l’affaire «in situ», mais bon, François Mauss m’a demandé de ne plus intervenir sur son blog. Ou seulement quand j’étais d’accord avec lui ;-) Sinon, j’étais prié de m’en passer et, pour bien marquer le coup, il a même supprimé de sa liste de favoris le lien vers mon petit blog de vigneron en région émergeante ;-).  Ainsi va la vie. « O tempora, O mores », comme il aime à le dire, lui qui a des lettres et ne manque jamais de le rappeler aux «haineux, jaloux et vindicatifs», j’ai nommé tous ceux qui ne sont pas entièrement d’accord avec lui ;-). J’avoue, je suis un peu jaloux de la tourte à la viande… ;-) Mais je laisse le lien vers son blog parce que je le trouve intéressant, même si, souvent, je ne suis pas d’accord. C’est le WWWeb. C’est la vie.

Je me suis demandé si je devais donner mon avis sur ce sujet, qui m’intéresse peu, je l’avoue, mais voilà que l’on me propose de faire lundi un peu la même chose : mettre mes vins au milieu de stars bordelaises historiques, en demandant à une floppée de gens « importants » de « classer » les vins par « ordre de mérite ».

Quelle drôle idée, vraiment… Depuis l’école maternelle, je sais qu’on ne peut pas multiplier des pommes par des poires, ni les additionner. Par la suite, en en goûtant de nombreuses variétés, j’ai été convaincu qu’on ne pouvait affirmer que l’une était « meilleure » que l’autre.

J’ai recherché dans un de me petits livres de sagesse Zen, qui figurent en bonne place sur ma table de chevet, une citation qui m’avait, un jour amusée. Je la trouve bien dans le ton :

« S’il suffisait de s’assoir jambes repliées pour méditer, toutes les grenouilles seraient des Bouddhas »

Merci à « Julie » pour cette délicieuse illustration…

Quelle drôle d’idée que de payer un jury, fort cher, pour le moins, j’imagine, vu le prix des bouteilles, pour expliquer au monde entier que l’on a si peu de personnalité, si peu confiance en son cru, que l’on est si pressé de le voir (et de se voir) au firmament de la vanité humaine, que l’on veut pour cela décrocher de celui-ci quelques une des étoiles historiques… Bouddha ou pas bouddha, le bœuf n’est jamais loin de la grenouille… On avait compris que pour Lascombes, c’était la bonne idée d’un fond de pension américain pour s’en débarrasser en prenant l’oseille au passage, mais là… ? Où est le sens de tout cela ?

Que m’importe, pour ma part, que mon gentil petit vin, j’ai nommé le Clos des Fées, soit meilleur ou moins bon, qu’il donne «plus» de plaisir ou qu’il n’arrive pas à la cheville de ces crus que j’admire tant ? Ces crus qui illuminent mon cerveau, au moment de l’IRM, même si ils ne sont que des vins, plutôt normaux quand on les met à nu, sans leur étiquette ?

Ils sont ce qu’ils sont, je suis ce que je suis et, dans le monde du grand vin, il n’y a pas de hiérarchie. Il y a uniquement un émerveillement devant des émotions si diverses qu’elles ne peuvent être classées, notées, et qui, bien au contraire, se doivent de se faire mutuellement des «révérences», de se renvoyer la balle, se mettrent en valeur. Il suffit d’en avoir bu un jour pour le comprendre en un « clic », telle une «illumination» vineuse. Vinique ? Viticole ? Bref, une évidence.

Voilà quel est le but, si tant il y a est un, car il est en fait dans le voyage lui même, comme l’enseigne toujours le Zen (et Steve Jobs, son prophète ;-), juste de faire naitre, quelques années durant, une «jolie chose», une belle arabesque, délicate, un éclat de civilisation, le souvenir d’un homme, l’expression d’une époque, d’un lieu, d’une vision et donc d’un chemin. On en revient toujours là.

Et on veux « classer » cela ? Et dire que celui qui a 95,75 vaut mieux que celui qui a 95,50, celui qui a 94,89 ne valant « rien » ? On hésite ici entre futilité et arrogance. Heureux sont ceux qui, comme moi, ont la liberté de refuser de telles mascarades et la liberté de ton suffisante pour donner leur point de vue…

Que m’importe d’être un « second rôle » dans la formidable épopée du vin, pourvu que je sois un bon second rôle, que je tienne ma place, que j’ai mes défenseurs acharnés, que le les fasse vibrer autour de la personnalité de mon vin et que je respecte mes pairs, ceux qui sont venus avant moi et ont dans leur bouteille un passé que je n’aurai sans doute jamais. Mais ils n’ont pas, eux, la liberté, la terrible, la si merveilleuse liberté de celui qui vient de naitre et est en train de grandir, tel un adolescent qui prend conscience de ses dons.

Car là est le grand vin. Dans l’émotion. Dans la valeur. Pas dans le prix ni la comparaison.

Cher D., si tu lis ces lignes, tu comprendras que je ne serai pas là, lundi, pour une séances de «notes».

En revanche, si, entre amis, entre passionnés de vins, nous partageons des bouteilles, d’où qu’elles viennent, dans un esprit de plaisir et de fête, je serai là ;-)

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