Et donc, le chai de Cheval-Blanc fut ouvert – Episode 1


Mes lecteurs le savent, je ne suis pas de ceux qui cirent les pompes des premiers crus.

Pour moi, j’appelle un chat un chat et on compte plus, ici ou sur les forum, les fois où j’ai dit ce que je pensais, en l’occurrence que quand certains grands vins n’étaient pas au niveau de leur rang, ne pas le dire n’était pas rendre service ni à l’un (le château), ni à l’autre (le client).

On ne compte plus mes interrogations sur certains millésimes de Mouton, de Lafite, de Latour (surtout certains…), d’Ausone (de la triste époque Delbeck, que toute la presse ou presque a cautionné), de Cheval-Blanc (aux rendements, il fut un temps, hors de contrôle). Yquem n’a pas échappé à mes ires (je me suis beaucoup moqué, à l’époque, des toilettes du Comte, qui restent à aujourd’hui inégalées dans le genre :-),  Haut-Brion à mes moqueries (le Prince du Luxembourg est tellement mauvais en marketing que ç’est désespérant, je lui en veux beaucoup d’avoir supprimé Laville), seul Margaux, finalement, ne m’étant pratiquement jamais servi, allez savoir pourquoi. Mais j’ai bu tant et tant de bouteilles ridicules du cru, servies par mon regretté ami Bernard Ginestet lui même, qui partageait mon amour de la vérité et mon amusement de la comédie humaine viti-viticole, que je sais à quoi m’attendre. Soyons clairs, tout « premiers » qu’ils soient, la plupart de ces bouteilles qui promettent la jeunesse éternelle et le plaisir à coup sûr ne sont, sur cinquante millésimes bien souvent juste bonnes à mettre à l’évier. Je suis le seul à le dire ? Croyez qui vous voulez.

Pour autant, parmi les vingt plus grands vins bus dans ma vie, figurent au bas mot une bonne moitié de ces grands crus légendaires qui, lorsqu’ils sont bons (ce qui est de plus en plus souvent le cas…), dépassent tout ce qu’il est possible de produire ailleurs, y compris en Roussillon, ce qui n’est pas peu dire ;-).

Donc, bien que n’ayant jamais accepté de visiter un premier cru classé du Médoc en 1855, et n’étant plus, vu ce que vous venez de lire, dorénavant invité, je me contente du Libournais où n’ayant plus rien à critiquer au renouveau d’Ausone, exemplaire, j’y suis accepté pour rêver sur la terasse, chose dont je ne me lasse pas et suis accueilli, parfois pas à bras ouverts, mais accueilli, à Cheval-Blanc où je ne connais aucun des propriétaires mais où le staff technique, à défaut d’être d’accord avec moi, m’accorde un respect que je leur rend pleinement. Et puis, de toute façon, qui lit ce blog…

Me voilà donc, paré d’un solide apriori sur les chais bling bling qui, depuis quelques années, poussent à Bordeaux comme des cèpes après la pluie, invité à visiter le nouveau chai de Cheval-Blanc. Pas, bien sûr, lors de l’inauguration officielle (faut pas pousser et il n’y avait pas de raisons, bien que j’aurai bien aimé parler de Carrefour avec Bernard Arnault ou de l’avenir de Total avec le baron Albert ;-) mais lors de Vinexpo, où le château avait fait le choix de s’ouvrir, les autres faisant plutôt celui de se cadenasser à double tour. Bonne pioche.

N’ayant pas d’hélicoptère, comme mon ami S.L. qui arrive ici, avec le plus gros distributeur de vin aux USA et une ou deux acheteurs de compagnies aériennes,

Cheval1.jpg

j’y suis allé avec mon toyota infame, plein de boue et de rayure, habillé « casual chic » (surtout Casual à la vingraunaise, c’est en dire en plouc ;-)), comme l’invitation m’y invitait, ravi de toute façon de faire la visite avec mon ami Peter Sisseck, avec qui nous partageons certaines valeurs…

Je lui refile une bouteille de mon premier Tempranillo, dont les vignes viennent de chez lui, et qui va le faire grimacer parce qu’au point de vue Tempranillo, c’est un ovni de Tempranillo qui ressemble à rien de ce qu’il a goûté, mais bon, il faut le faire, et nous entrons dans le saint des saints, suivant une délicieuse et mystérieuse dame qui nous dit : suivez moi… (elle se reconnaitra…)

Hou ! C’est sobre et c’est beau.

Cheval1.jpg

Bon, vous le savez sans doute, les cuves sont en béton et leur forme est unique. Le moule est cassé, on en fera plus (comme celui qui a servi à ma conception, hein ;-)et vous n’en verrez que là bas. Bon, je passe sur le fait que le système de thermo-régul est intégré au béton, qu’on vous vend comme une invention (j’en ai dix à Walden que j’ai acheté d’occasion…), mais pour le reste, c’est novateur au niveau de la forme. On a à la fois l’esthétique, la pureté de ligne et le côté pratique puisqu’avec un grand bac de soutirage ou lors des délestages, on aura un effet déstructurant sur le chapeau de marc et qu’on pourra même piger un peu…

C’est classe, parce que Cheval-Blanc est fait dans le béton depuis toujours et, tout au long de la conception du chai, on verra que le respect de certaines traditions qui avaient fait leurs preuves ont supplanté l’envie de nouveauté ou d’esbrouffe. C’est bien.

Le fond est plat, c’est le pied qui est sous la porte, et c’est parfait aussi pour travailler. Je n’ai pas demandé pour le décuvage, faudra que je pose la question. Mais je vois bien un petit pneumatique motorisé et une sauterelle…

Cheval6.jpg

Bon, déjà, je voudrais pas être à la place des ouvriers qui vont renverser du vin, mais tout a l’air étudié et bien étudié, y compris le revêtement des cuves et le carrelage (je veux le même !) pour éviter les taches. Ceux qui sont habitués au lin blanc ou au salon blanc avec des mômes me comprendront. J’aurais bien vu un joint blanc au lieu de rouge, mais je chipote, hein ;-)

Notes des Cuves : technique 100 – Esthétique 100

Partout, de la lumière naturelle, des côtés et du haut, on voit que l’on a pensé au confort et à l’ambiance de travail, et ça va compter sur la qualité des vins, croyez moi. Ici, des cuves plus petites, le tout collant au parcellaire : 110, 80, 60, 40 et 20, on ne peut pas faire mieux…

En haut des cuves, on dévisse un morceau de rambarde pour, à l’aide d’une goulotte et d’un bac inox, permettre à un chariot élévateur de monter la vendange par gravité.

Cheval8.jpg

Derrière, une partie technique est protégée et permet de ranger le matériel. A l’intérieur, bientôt, une cuve d’assemblage permettant la mise en un seul lot homogène.

En fait, coller enfin au parcellaire aura été un des désirs fort de l’équipe technique qui a réfléchi longtemps et bien à de nombreuses problématiques, apportant des solutions sobres et efficaces, l’architecte (qui n’avait jamais fait de chai, c’était une obligation) ayant su rester au service de la technique, c’est évident et c’est bien.

Partout, les choses sont intégrées, comme ces flux (eau, air), parfaitement intégrés aux parois des cuves…

Cheval7.jpg

Ça fait rêver… Enfin, quand on aime ce genre de trucs, hein…

Bon, deuxième partie demain, parce que j’ai pas que ça à faire, hein, et que je voudrais pas lasser…

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives